un article publié originalement en deux parties sur le site The Fatima Center, dédié à la promotion du message de Notre-Dame de Fatima

Les limites de l’infaillibilité pontificale

Par Matthew Plese

Dans son livre Crucial Truths to Save Your Soul, le père Nicholas Gruner fait remarquer que : « par une grâce spéciale, les papes sont préservés lorsqu’ils définissent le dogme, mais le reste du temps, même le pape peut tomber dans les erreurs. » Une telle affirmation est basée sur la définition dogmatique de l’Église sur l’infaillibilité pontificale qui est souvent mal comprise. Dans son livre Catholic Apologetics, le père John Laux affirme au sujet de l’infaillibilité pontificale :

« Le Concile Vatican I n’a pas déclaré que le pape ne peut pas pécher ; il n’a pas déclaré non-plus qu’il ne peut pas être dans l’erreur en aucune façon ; mais seulement qu’il est infaillible, non sujet à l’erreur, lorsqu’il décide ex cathedra – c’est à dire, en tant que chef et enseignant de l’Église toute entière – sur des sujets de foi et de morale. »

Loin d’être simplement un exercice intellectuel, l’histoire fait savoir que les papes peuvent être coupables d’erreurs prudentielles et de débâcles décisives. Ils peuvent imposer une législation injuste et imposer des décrets

contre le bien commun. Ils peuvent certainement être immoraux et tomber dans le péché mortel. Ils peuvent soutenir des erreurs dans leurs croyances personnelles et même enseigner l’erreur dans la catéchèse et la doctrine. Aucune d’entre elles ne contredisent la grâce de l’infaillibilité lorsque, en tant qu’enseignant de l’Église universelle, il définit un point de foi ou de morale qui doit être accepté et cru par tous les disciples du Christ.

Une brève explication du pouvoir

Cela s’appelle un charisme car c’est un don particulier qui vient du Saint Esprit. Ce charisme fait partie de la papauté. En d’autres mots, ce n’est pas donné personnellement à un individu mais c’est plutôt un pouvoir qui est exercé en vertu de l’autorité de la fonction papale (pensez aux clés donnés par le Christ à St Pierre dans Matthieu 16). C’est un pouvoir « négatif » en ce qu’il empêche quelque chose, à savoir l’erreur. Cela ne garantit pas que ce qui est proclamé infaillible est exprimé de la meilleure façon ou de la façon la plus parfaite, mais seulement que ce qui est défini comme infaillible est empêché d’être erroné.

Lorsque le pouvoir de l’infaillibilité est utilisé, le pape doit préciser qu’il utilise en fait son autorité magistérielle (d’enseignement) pour lier tous les chrétiens. Le pape doit de même faire savoir que c’est un point de foi ou de morale ; et il fait l’effort de montrer que son enseignement est contenu au sein de la révélation divine (c.a.d. la sainte tradition et les saintes écritures). Le pape est obligé de rendre ces points évidents car notre salut exige que nous nous soumettions à tous les dogmes infaillibles. Par conséquent, il ne devrait jamais y avoir de confusion ou d’ambigüité concernant l’utilisation par le pape du charisme pontifical de la fonction papale pour unir tous les chrétiens pour qu’ils acceptent un dogme.

Pour approfondir

Deux bons exemples que l’on peut prendre sont la déclaration de l’Immaculée Conception par le pape Pie IX (Ineffabilis Deus, 1854) et lorsque Pie XII a déclaré l’Assomption (Munificentissimus Deus, 1950). Ces documents ont établi un précédent et démontrent clairement comment un pape aujourd’hui délivrerait une déclaration infaillible.

Le Concile Vatican I sur l’infaillibilité pontificale

Si vous désirez étudier l’enseignement officiel sur l’infaillibilité pontificale, lisez le chapitre IV de Pastor Aeternus, la constitution dogmatique promulguée par le Concile Vatican I (1870).

Les pères du Concile expliquent que de « nouvelles » doctrines ne peuvent pas être proclamées. Elles doivent faire parti du dépôt de la foi des apôtres.

Les pères du Concile enseignent aussi que ce don est au service de la vérité et du salut des âmes. Une conséquence de cela, c’est qu’il amène l’unité (qui peut seulement se trouver dans la vérité).

Et ils fournissent la définition officielle du dogme, indiquant clairement qu’on doit y croire sous peine de tomber hors de la seule arche de salut (anathème) :

« Nous enseignons et définissons comme dogme divinement révélé que lorsque le pontife romain parle ex cathedra, c’est à dire, lorsque, dans l’exercice de sa fonction comme berger en enseignant de tous les chrétiens, en vertu de son autorité apostolique suprême, il définit une doctrine concernant la foi ou la morale qui doit être soutenue par l’Église toute entière, il possède, par l’assistance divine qui lui est promise dans Saint Pierre, que l’infaillibilité dont le rédempteur divin a voulu que Son Église en jouisse en définissant la doctrine définissant la foi ou la morale. Par conséquent, de telles définitions du pontife romaine sont d’elles-mêmes, et non par le consentement de l’Église, qui est irréformable. Ainsi donc, quelqu’un, que Dieu interdit, peut-il avoir la témérité de rejeter cette définition de nous : qu’il soit anathème.

Exemples de papes ayant été dans l’erreur

Le pape St Pierre

Le premier exemple d’un pape dans l’erreur se trouve dans la vie du tout premier pape et attesté dans les Saintes Écritures elles-mêmes. Comme cela est révélé dans Galates 2:11-21, St Paul réprimande St Pierre car St Pierre avait été hypocrite dans son comportement envers des chrétiens gentils. Saint Pierre mangeait avec les chrétiens gentils mais lorsque quelques chrétiens d’origine juives sont arrivé, il s’est séparé des gentils et ne mangeait qu’avec les chrétiens qui conservaient encore les lois juives concernant la nourriture impure. Saint Paul a considéré cela comme une trahison du message des Évangiles sur les lois cérémonielles des Juifs qui avaient été abolies après la mort et la résurrection du Christ.

St Paul a considéré le comportement de St Pierre comme l’envoi d’un message aux gentils disant qu’ils devaient observer les lois et coutumes juives pour être de véritables chrétiens. Dans sa réprimande à St Pierre, St Paul n’a jamais douté de la fonction de St Pierre mais néanmoins, lui a reproché son manque de jugement.

Le pape Honorius Ier

Le pape Honorius a été à la tête de l’Église de 625 à 638. Pendant son pontificat, il a été connu pour ses efforts pour promouvoir l’unité au sein de l’Église et de défendre les enseignements orthodoxes de la foi contre diverses hérésies. Il a œuvré à renforcer l’autorité de la papauté et fut un soutien solide du Concile de Chalcédoine qui affirmait la croyance chrétienne orthodoxe dans les deux natures du Christ. Le pape Honorius Ier a aussi joué un rôle significatif dans l’œuvre missionnaire de l’Église, envoyant des missionnaires en Angleterre, en France et en Espagne pour répandre le message des Évangiles. Il a aussi encouragé le développement du monachisme et a soutenu la création de plusieurs nouveaux monastères en Italie.

Malgré ses nombreuses réussites, le pape Honorius Ier a été critiqué plus tard pour sa gestion de la controverse du Monothélisme, qui niait l’existence de deux volontés dans le Christ. Certains croyaient qu’il en avait pas fait assez pour combattre cette hérésie, et il a eu une condamnation posthume comme hérétique par le sixième concile œcuménique en 680.

Le père Gruner ajoute : « Lorsque le Saint Père, le pape Léon II, a confirmé les décrets du Concile, il a ajouté sa propre expression de condamnation du pape Honorius pour ne pas avoir enseigné avec autorité la foi immuable de l’Église lorsqu’une définition ex-cathedra n’était pas exigée, et pour approuver à la place une interdiction sur les professions véritables comme hérétiques :

« Nous condamnons les inventeurs de la nouvelle erreur, autrement dit, (Sergius, etc.) et aussi Honorius, qui n’a pas tenté de sanctifier l’Église apostolique avec l’enseignement de la tradition apostolique, mais par une trahison sacrilège qui permis à sa foi sans tache d’être souillée. »

C’est un cas exceptionnellement intéressant, car Honorius n’a pas vraiment enseigné une hérésie. Il a plutôt failli dans son devoir sacré et solennel – en tant que pape – de protéger le troupeau de l’hérésie en condamnant une erreur pernicieuse trompant alors de nombreux chrétiens. Une aussi grave déréliction du devoir dans le Vicaire du Christ – qui est doté de la grâce par le Saint Esprit pour enseigner, garder et promouvoir la pureté de la doctrine – a été suffisante pour que ses successeurs le jugent comme hérétique à titre posthume.

Le pape Pascal II

L’investiture laïque fut une crise qui affecta l’Église au Moyen-Âge. Le pape St Grégoire VII a publié des décrets en 1073 et 1078 interdisant toute investiture faite par un laïc. Le décret de 1073 a été perdu mais celui de 1078 peut se lire ainsi :

« Dans la mesure où nous avons appris que, contrairement aux institutions des saints pères, l’investiture avec des églises est, dans de nombreux lieux, réalisée par des laïcs ; et que dans ce cas, de nombreux désordres apparaissent dans l’Église par lesquels la religion chrétienne est foulée aux pieds : nous décrétons que personne dans le clergé ne doit recevoir l’investiture avec un évêché, un abbé ou église des mains d’un empereur, d’un roi ou autre laïc, homme ou femme. Mais s’il se permet de le faire, il va clairement savoir qu’une telle investiture est privée d’autorité apostolique, et que lui-même sera sous excommunication jusqu’à ce qu’une satisfaction appropriée lui sera rendue. »

En 1111, le pape Pascal II avait trouvé que la situation ne s’était pas améliorée lorsqu’il a écrit à l’empereur Henri V :

En outre, dans certaines parties de votre royaume, les évêques et les abbés sont tellement occupés par les affaires séculières qu’ils sont obligés de fréquenter assidûment la cour et d’accomplir le service militaire, ce qui ne se fait guère sans pillage, sacrilège et incendie. Car les ministres de l’autel sont faits ministres de la cour du roi, en tant qu’ils reçoivent des villes, des duchés, des margraviats, des deniers et d’autres choses qui appartiennent au service du roi. D’où la coutume, intolérable pour l’Église, que les évêques élus ne puissent recevoir la consécration qu’après avoir été investis par la main du roi. D’où la méchanceté de l’hérésie simoniaque et, parfois, une ambition si grande que les sièges épiscopaux ont été envahis sans aucune élection préalable. Parfois même, ils ont été investis alors que les évêques étaient encore en vie. »

Pascal II était un opposant vigoureux à la pratique de l’investiture laïque, qui était considérée comme une violation de l’indépendance et de l’autorité de l’Église. Cependant, auparavant en 1107, le pape Pascal II avait trouvé un compromis avec Henri V, l’empereur romain-germanique, qui permettait des

dirigeants laïcs d’investir des évêques et d’autres officiels de l’Église avec le symbole de leur fonction, mais sans autorité spirituelle. Ce compromis, qui a permis la base du Concordat de Worms (1122), a été considéré par certains comme une trahison des principes de l’Église et une capitulation envers l’autorité laïque. Il l’a même admis, comme le père Gruner l’explique :

« il est à son honneur que Pascal a reconnu publiquement son erreur, et pas seulement au Synode de Latran de 1112. Quatre ans plus tard, il a publiquement maudit le jour où il avait donné cet ordre désastreux aux évêques, et ils les a félicité d’avoir reconnu que leur devoir consistait à lui résister : « Je confesse avoir failli, et je vous demande de prier Dieu pour qu’il me pardonne. Concernant ce privilège maudit, (…) je le condamne avec un anathème éternel, et je souhaite que son souvenir soit pour toujours odieux. »

Le pape Jean XXII

Le pape Jean XXII a été à la tête de l’Église catholique de 1316 à 1334. Né Jacques Duèze à Cahors en 1249, il était un théologien éminent et juriste en droit canon avant d’être élu pape. L’une des réalisations les plus importantes du pape Jean XXII fut l’instauration de la Fête-Dieu.

Durant son pontificat, le pape Jean XXII a été impliqué dans plusieurs conflits et controverses, dont la papauté d’Avignon, qui a vu la papauté déplacé de Rome à Avignon. Il a aussi été critiqué pour ses idées sur la vision béatifique dans laquelle il a épousé la croyance hérétique que les âmes des justes n’entraient pas dans la vision béatifique immédiatement après la mort, mais attendaient en fait dans un état d’anticipation jusqu’au Jugement Dernier. Le pape Jean XXII a initialement défendu ses idées, mais les a rétracté plus tard avant sa mort en 1334. Il a déclaré ne pas avoir eu l’intention d’enseigner l’hérésie et d’avoir toujours cru dans l’enseignement catholique traditionnel sur le sujet, même si ses idées personnelles sur le sujet étaient fausses.

Cherchant à mettre fin à une période débat sur si oui ou non les saints ont la vision de Dieu immédiatement après leur peine ou s’ils doivent attendre le Jugement général à la fin des temps, son successeur, le pape Benoît XII a publié Benedictus Deus (sur la vision béatifique de Dieu) en 1336, mettant ainsi fin au débat vis-à-vis d’une définition dogmatique :

« »Par la présente Constitution, qui restera en vigueur pour toujours, Nous, avec l’autorité apostolique, définissons ce qui suit : Selon la disposition générale de Dieu, les âmes de tous les saints qui ont quitté ce monde avant la Passion de Notre Seigneur Jésus-Christ, ainsi que celles des saints apôtres, martyrs, confesseurs, vierges et autres fidèles décédés après avoir reçu le saint baptême du Christ – à condition qu’elles n’aient eu besoin d’aucune purification au moment de leur mort, ou qu’ils n’en aient pas besoin lors de leur mort future, ou encore, s’ils avaient besoin ou auront besoin d’une purification, après avoir été purifiés après la mort – et encore les âmes des enfants qui sont nés de nouveau par le même baptême du Christ ou qui naîtront lorsque le baptême leur sera conféré, s’ils meurent avant d’avoir atteint l’usage de leur libre arbitre : toutes ces âmes, immédiatement après la mort et, pour celles qui ont besoin d’être purifiées, après la purification mentionnée ci-dessus, depuis l’ascension de Notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ au ciel, déjà avant qu’elles ne reprennent leur corps et avant le jugement général, ont été, sont et seront avec le Christ au ciel, dans le royaume céleste et le paradis, unies à la compagnie des saints anges… ».

Les idées personnelles du pape Jean XXII ont été dés lors considérées comme hérétiques.

Conclusion

Les papes peuvent être dans l’erreur et en font vraiment dans les affaires personnelles, les décisions prudentielles, et même dans les affaires de doctrine. Mais malgré cela, un pape peut toujours être préservé de toute erreur lorsque son pouvoir ex cathedra est utilisé pour définir le dogme. Aborder les limites de l’infaillibilité papale peut aussi grandement nous aider dans notre travail pour amener l’unité avec l’Église orthodoxe.

Matthew Plese

Sources : The Fatima Center

Can Popes Personnally Err ?

Examples of Popes Who Have Erred