New Dawn (aube nouvelle) Magazine est spécialisé dans l’occulte et les différents courants gnostiques. Ici, l’auteur nous emmène dans une Russie mystérieuse et méconnue où est incluse aussi l’orthodoxie. On voit que la Russie pourrait avoir un rôle clé spirituellement parlant dans un avenir proche et le message de Fatima (les erreurs de la Russie) pourrait concerner, non pas le communisme mais l’expansion à partir de la Russie d’une religion mondiale occultiste. 

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Le sang de la Russie pénètre dans vos veines. Il a pénétré les miennes alors que j’apprenais le russe à l’école linguistique des Nations-Unies à New York dans les années 80 et 90 lorsque je travaillais en tant qu’officier dans l’information, ayant déjà appris les bases quand j’avais 19 ans. 

Je peux encore entendre notre enseignante Alla rentrer dans la classe et dire : « Aujourd’hui, mes chers étudiants, nous allons étudier nos magnifiques verbes russe, tout d’abord les verbes imperfectifs puis les verbes perfectifs. » Qui pourrait ne pas tomber amoureux des verbes russes avec une enseignante aussi charmante ? Alla, si par hasard, vous lisez ces lignes, je vous fais un grand salut. 

Mais il ne s’agissait pas seulement des verbes. D’autres complexités de la grammaire russe m’intriguaient : des règles telles que « n’oubliez pas que si le verbe est négatif, le nom doit être à la forme du génitif. » Et le magnifique alphabet cyrillique dansait devant le coin de mon œil. Puis il y eut ma petite amie russe à peu près à la même époque qui me disait que : « pour avoir l’air russe, tu dois sourire intérieurement lorsque tu parles. » Et effectivement, ils font cela même lorsqu’ils expriment quelque chose de triste ou, le plus souvent, de triste et de drôle en même temps, une combinaison dans laquelle les Russes excellent. 

La littérature russe me captivait aussi. Je me familiarisais avec L’Idiot de Dostoïevski, avec le roman extraordinaire d’Andreï Bely, Petersburg et le tout aussi extraordinaire Maître et Marguerite de Mikhaïl Boulgakov. En lisant ces œuvres, on devient conscient de la nature profondément spirituelle de l’âme russe. De plus, ces deux derniers auteurs ont révélé une autre face de la Russie qui m’a intrigué, à savoir un fort courant de fascination pour des choses magiques, ésotériques et d’autres mondes. Je décidai d’aller plus loin dans ce domaine, et mon dernier livre Occult Russia en a été le résultat.

Nicolas Roerich, Ilya Muromets (1910)

J’ai été, bien sûr, anéanti lorsqu’a commencé la guerre en Ukraine, et j’ai un profond ressenti pour tous mes amis russes et ukrainiens. Au moment où j’écris, je peux seulement prier pour que le conflit ne se prolonge pas. Et comme pression supplémentaire, je dois exprimer mon profond sentiment de scandale et de tristesse concernant la mort de la fille d’Alexandre Douguine, Daria, qui a été tuée le 20 août 2022 par une bombe placée dans sa voiture et qui visait possiblement son père. Avec cet acte lâche, la vie d’un être humain lumineux a été tragiquement abrégée. Ma plus profonde sympathie va vers toute sa famille.

J’offre le livre Occult Russia dans l’espoir qu’il contribuera à une meilleure compréhension de l’esprit et l’âme russes. Ce qui suit en est un avant-goût, abrégé et publié à partir de l’introduction.

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En entendant le mot « Russie, » vous pensez peut-être aux défilés militaires sur la Place Rouge, la guerre en Ukraine, l’annexion de la Crimée, aux gangsters, aux hackers d’internet, aux assassinats de journalistes et à l’emprisonnement de politiciens d’opposition. Ce livre ne traite pas de ces choses-là mais d’une Russie différente qui est invisible aux yeux de nombreuses personnes en Occident : autrement dit, la Russie intérieure, la Russie du mysticisme, du mythe, de la magie, de l’ésotérisme et du spirituel. Comme un vaste fleuve, longtemps pris par la glace, la force spirituelle intensément ancrée dans l’âme russe avance à nouveau. Depuis l’effondrement du communisme, les Russes cherchent de nouvelles – mais souvent anciennes aussi – façons de donner un sens à leurs vies. Cette recherche a fait émerger un renouveau des anciennes traditions spirituelles et à une pléthore de nouveaux mouvements, de sectes, de croyances, de « ismes » et « ologies, » dont nombre d’entre eux avait été interdits pendant l’ère soviétique. De ce ferment, des choses enthousiasmantes émergent.

La quête spirituelle actuelle en Russie recouvre un spectre énorme. Des millions de gens se tournent ou reviennent à l’Église orthodoxe, et de milliers de nouvelles églises se construisent. Pour ce qui est des formes alternatives de spiritualité, de nombreuses personnes se tournent vers des doctrines comme la théosophie, l’anthroposophie et les enseignements de Nicolas et Helena Roerich. Un autre groupe revient vers les dieux russes pré-chrétiens ou au chamanisme, le plus souvent du style pratiqué par l’intelligentsia urbaine. Dans le même temps, les communautés païennes indigènes comme les Maris et les différents peuples chamaniques de Sibérie profitent d’un nouveau souffle de vie. En Russie, les traditions chamanes et païennes coexistent avec la religion orthodoxe, si ce n’est depuis toujours, dans une coexistence pacifique au moins dans un modus vivendi que les Russes appellent dvoïeverié (foi double).

« Et nous essayons » (1922) par l’artiste et mystique eurasien Nicolas Roerich.

L’histoire peut être dirigée par des motivations mythiques, et ceci s’applique certainement à la Russie en particulier. Un terme utile pour une telle motivation, c’est le mot « mème, » inventé par le biologiste britannique Richard Dawkins dans ouvrage de 1976, Le Gène égoïste. Utilisé à l’origine dans un contexte biologique, il en est venu à signifier une idée ou une notion qui se répand comme message à travers la société, transmise de personne à personne ou par les médias. 

Un phénomène qui a quelques ressemblances aux mèmes, mais opérant à un niveau plus profond, est celle de l’égrégore, une forme de pensée collective sur un plan invisible, créé par de nombreuses personnes se centrant sur les mêmes idées et symboles. Venant du mot grec signifiant « observateur, » un égrégore peut prendre une variété infinie de formes, un ange ou un démon, un dieu ou une déesse, un héros ou une héroïne, un objet de vénération particulière, un endroit sacré ou un récit fascinant. Le concept d’égrégore rejoint en partie la notion, développée par Carl Gustav Jung, de l’archétype, une motivation héréditaire dans l’inconscient collectif de l’humanité. En explorant la quête mystique russe, nous pouvons trouver différents mèmes, égrégores ou archétypes saisissants de l’humanité. Ils comprennent celle-ci :

La Sainte Russie

Gary Lachman explore la notion de Sainte Russie de façon pénétrante dans son ouvrage The Return of Holy Russia. La conviction que la Russie a une mission spirituelle particulière est profondément enracinée dans l’âme collective russe. Ceci est bien illustré par la mystique puissante de l’Église orthodoxe et le concept de « Troisième Rome, » la première Rome étant la cité sur le Tibre, la deuxième étant Constantinople et la troisième et dernière étant Moscou. Tout cela a favorisé l’essor d’un égrégore d’une énorme vitalité, qui a permis à la religion orthodoxe de refleurir à nouveau après l’ère communiste.

Le héros guerrier

Un exemple précoce de ce personnage est le semi-légendaire Ilya Mouromets, qui est représenté dans dans divers récits épiques russe ainsi que dans des films, des romans et dans l’art. Fort probablement un composé de différentes personnes différentes, il apparaît en tant que défenseur de la Rus de Kiev au Xe siècle et dans des incarnations plus récentes, il combat les Mongols et sauve l’empereur byzantin d’un monstre. Il est finalement devenu un saint de l’Église orthodoxe. Le rôle du héros guerrier a aussi été incarné par certaines figures historiques réelles comme Alexandre Nevsky qui a vaincu les chevalier teutoniques au XIIIe siècle. Le tsar Pierre le Grand, et même Joseph Staline.

Le pays imaginaire

Ce thème se présente à plusieurs reprises dans l’histoire russe sous des formes variées et sous divers noms : Bielovodié (royaume des eaux blanches), le royaume d’Opona, l’utopie du folklore paysan, et l’Hyperborée, la terre promise disparue dans le nord. Le pays imaginaire est aussi conceptualisée comme source d’une ancienne tradition de sagesse qui le pouvoir de transformer la vie humaine si quelqu’un peut simplement y accéder. 

Le sage rustique

Cette figure est représenté par le personnage de Tolstoï, Platon Karataïev, le sage paysan qui est un camarade prisonnier du héros Pierre Bézoukhov dans Guerre et Paix. Tolstoï lui-même a adopté ce personnage dans les dernières années de sa vie.

Léon Tolstoï, le sage rustique, dépeint à Yasnaya Polania, 1908, dans le premier portrait photo en couleur de Russie.

Le fou sacré

Appelé aussi « fou en Christ, » ce terme est appliqué à quelqu’un qui adopte une façon de vivre apparemment insensée, marquée par une grande austérité et une piété extrême. Elle peut coïncider avec le concept de starets, le saint homme ou sainte femme indépendante et illuminé par Dieu. Ma correspondante Dana Makaridina m’a montré qu’il y a deux sortes de fou sacré, à savoir le blajennyi (saint) et le yourodivyi (fou). La distinction est subtile. Les premiers sont caractérisés par un état de béatitude sainte alors les derniers sont visibles par leur comportement antisocial extravagant, étrange et antisocial. Les deux sont associés à la liberté, car ils ne sont pas tenus par des normes sociales et sont capables de communiquer directement avec Dieu. Dana Makaridina cite un ami qui était surnommé blajennyi depuis l’enfance à cause de son comportement étranger d’un autre homme. Elle écrit que « désormais, c’est un musicien de rock extravagant et un artiste de scène impliqué dans des sujets sur la liberté et la mort. »

Le nouveau messie

Des prophètes et des figures messianiques ont abondé dans l’histoire de la Russie, coïncidant assez avec les starets et le fou du Christ, et ils continuent à apparaître aujourd’hui. Un exemple typique est le cas de Sergueï Anatolievitch Torop, un artiste et homme à tout faire qui, en 1991, s’est proclamé Jésus-Christ de retour. Ayant adopté le nom de Vissarion, il a fondé une communauté appelée l’Église du Dernier Testament, a rassemblé des milliers d’adeptes et a établi une colonie éco-spirituelle en Sibérie. A l’heure où j’écris ces lignes, il est en prison et fait face à des accusations d’extorsion d’argent de ses adeptes et de soumission à de mauvais traitements émotionnels. 

La femme revêtue de soleil

Cette figure tire son origine d’un passage dans le chapitre 12 du Livre de l’Apocalypse dans le Nouveau Testament :

« Puis il parut dans le ciel un grand signe : une femme revêtue de soleil, la lune sous ses pieds, et une couronne de douze étoiles sur sa tête. »

Cette image de la femme revêtue de soleil réapparaît régulièrement dans la littérature prophétique russe. 

Ma propre perception de la Russie est passée par différentes étapes. Aussi loin que je peux m’en souvenir, le pays ne signifiait pas grand-chose pour moi jusqu’en 1953*, quand j’avais neuf ans, et un matin au petit déjeuner, mon père a pris son journal et a remarqué que Staline était mort, j’ai du demander qui était Staline et on m’a expliqué qu’il avait été le leader de notre puissant allié oriental pendant la Deuxième Guerre Mondiale. 

Plus tard, je me suis imprégnée de la propagande de la Guerre Froide : l’intervention de la Russie pour signifier la répression du soulèvement hongrois, des transfuge de l’Occident comme Burgess et Maclean, Khrouchtchev frappant sa chaussure sur la table à l’Assemblée générale des Nations-Unies, la crise des missiles de Cuba, l’écrasement du Printemps de Prague, la persécution des dissidents. 

A la même époque, j’étais suffisamment fasciné par la Russie pour commencer à apprendre la langue quand j’avais dix-neuf ans, un processus que j’ai terminé à la cinquantaine, à cette époque, j’avais été témoin de l’advenue de Gorbatchev et de la Pérestroïka, suivi de peu par la fragmentation de l’Empire Soviétique et de l’effondrement du communisme lui-même. Alors que ces changements tumultueux se déroulaient, j’ai visité la Russie pour la première fois en 1991 avec un contingent de chrétiens évangéliques fort aimables, dont j’ai pu rejoindre le groupe de visite grâce à la facilitation d’une connaissance. 

Un souvenir particulièrement vivace de ce voyage, c’est la visite d’un séminaire orthodoxe près de Saint-Petersbourg. Pénétrant dans le bâtiment, j’ai été transporté dans un autre monde, marqué par des icônes éclairées par des cierges, le parfum de l’encens et une atmosphère de recueillement silencieux. Les prêtres et les séminaristes dégageaient une dignité sereine en allant et venant dans les couloirs tamisés. L’un d’entre eux, à l’air aussi surprenant que les photos que j’avais vu du prophète au regard halluciné Raspoutine, était un jeune homme avec des cheveux longs et noirs avec une expression solennelle, habillé tout en noir dans une sorte de tunique paysanne, un pantalon, et des bottes. On nous a montré la chapelle du séminaire où une messe était donnée, et je commençais à comprendre pourquoi Madame Blavatsky, bien que non-chrétienne, avait toujours défendu farouchement l’Église orthodoxe. 

De nos jours, après l’effondrement du communisme, la religion orthodoxe joue encore une fois un rôle central dans la vie de la nation. Les églises sont pleines, et de milliers d’autres se construisent, avec un État qui jouent un rôle porteur. Mais tout le monde n’est pas satisfait de la situation actuelle, et une partie de l’enthousiasme religieux de la période post-Perestroïka du début s’amoindrit. De nombreux croyants s’opposent à ce qu’ils considèrent comme un tendance croissante de fusion entre l’Église et l’État, alors que des gens d’autres convictions ne veulent pas que le christianisme orthodoxe soit imposé à la population. 

Visiter la Russie a renforcé mon opinion sur sa destinée spéciale alors que de nombreux prophètes l’ont prédit. L’un d’entre eux, l’écrivain allemand Oswald Spengler, a écrit dans un essai, Le double visage de la Russie (1922) :

« Le bolchévisme des premières années avait donc une double signification. Il a détruit une structure artificielle et étrangère, laissant seulement lui-même comme partie intégrale restante. Mais au-delà de ceci, il a ouvert une voie dégagée pour une nouvelle culture qui s’éveillera un jour entre « l’Europe » et l’Asie de l’Est. C’est plus un début qu’une fin. »

Treize ans plus tard, la vision de Spengler sur la Russie a été illustrée dans une caricature de l’artiste Olaf Gulbansson, qui figurait en 1935 dans une revue littéraire satirique publiée à l’origine à Munich sous le nom de Simplicissimus, mais à ce moment-là, était publié en exil à Prague sous le tire Simpl. Le titre du dessin, Melancholia, est une parodie de la célèbre gravure d’Albrecht Dürer connue sous le même titre. 

Olaf Gulbransson Museum, Tegernsee. Photograph © VG
Bild-Kunst, Bonn 2022.

Au premier plan, un Spengler mélancolique est assis, style encre en main, à côté d’un chien encore plus mélancolique et d’autres objets dont un forceps obstétrique, indiquent sans doute que le Nouvel Âge russe aurait une naissance difficile. Dans le fond, il y a une image du Nouvel Âge lui-même sous la forme d’une jeune fille nue chevauchant un ours à l’air assez suffisant, les deux encadrés dans un large soleil levant. La femme dans le fond chevauchant un ours symbolise la prédiction de Spengler qu’une nouvelle culture surgira de Russie.

Le dessin de Gulbransson est apparu en 1935 dans une période troublée. L’Allemagne avait subi une défaite militaire, suivie par les ravages de l’inflation et de la dépression, puis ensuite par la prise de pouvoir nazie en 1933. En Russie, les bolchéviques gouvernaient. Une autre guerre était à l’horizon. Mais Gullbransson a dépeint un avenir radieux venant de la direction de la Russie, symbolisé par la jeune fille chevauchant l’ours. Il y a certains parallèles entre cette époque et maintenant. Le temps présent est assombri par la guerre et par des tensions élevées entre la Russie et l’Occident. Mais je crois que la jeune fille chevauchant l’ours porte toujours un message fort.

Christopher McIntosh

Source : New Dawn 

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Voir aussi : Alexandre Douguine et la tradition du starets du même auteur, Christopher McIntosh, Le pied qui écrase la tête du serpent : l’Ukraine, la Troisième Rome et la résurrection de la Chrétienté par Gearóid Ó Colmáin